Question 5 : Plus personne ne vole ! Quel est le rôle joué par le trafic aérien dans la propagation de l'épidémie ?

Une étude récente cherche à mieux comprendre la manière dont la Chine a tenté de maîtriser l’épidémie sur son territoire. Un point en particulier est souligné : l’arrêt des déplacements aériens aurait permis de limiter l’expansion territoriale de l’épidémie. Démonstration !

Texte : Arnaud B. / Simulation : Arnaud B., Nathalie C., Benoît G, Vincent L., Sébastien R. / Illustration : Arnaud B., Nathalie C., Sébastien R.
le 29 Mars 2020 · 5 minutes de lecture

Dans un article récent sur son blog Sciences2, le journaliste scientifique Sylvestre Huet présente les résultats d’une étude scientifique menée par une équipe internationale et publiée dans la revue Science.

Cette étude cherche à mieux comprendre la manière dont la Chine a essayé de maîtriser l’épidémie sur son territoire. Un point en particulier est souligné : l’arrêt des voyages, notamment aériens, aurait permis de limiter l’expansion territoriale de l’épidémie.

Même si la plus grande prudence est de mise quant aux données épidémiques que les différents pays font remonter, l’hypothèse n’est pas totalement folle. Après tout, on sait que le transport aérien est le principal vecteur des épidémies humaines, alors pourquoi pas ?

Voyons comment cela fonctionne.

Imaginons trois villes, connectées entre elles par des liaisons aériennes. Chacune de ces villes possède une situation épidémique, que l’on peut caractériser par des stocks de populations : par exemple saines, infectées et guéries.

Pendant l’épidémie, chaque ville verra sa situation épidémique évoluer de manière endogène, en fonction des interactions entre ses habitants et des mesures de lutte contre l’épidémie prises localement.

Si les échanges aériens entre ces trois villes sont maintenus, alors le virus pourra se déplacer d’une ville à l’autre, via les voyageurs. La situation épidémique de chaque ville évoluera donc également de manière exogène, en fonction de ses relations aériennes avec les autres villes et de l’évolution de la situation épidémique de ces dernières.

On peut tout à fait intégrer cette dynamique de diffusion sur réseau dans un modèle couplant ces deux dynamiques : chaque ville touchée par l’épidémie verra sa situation évoluer au cours du temps de manière à la fois endogène (le virus se propage au sein de sa population) et exogène (le virus entre et sort de la ville via les voyageurs qui y arrivent et en partent).

Sur cette image et dans la simulation qui suit, la couleur rouge caractérise trois éléments distincts : les avions transportant au moins un passager infecté, les villes abritant au moins une personne infectée (la taille du cercle est proportionnelle au nombre de personnes infectées) et enfin les liaisons aériennes empruntées par le virus.

Plusieurs éléments vont jouer sur la vitesse de propagation du virus dans ce système de villes connectées par des liaisons aériennes : le nombre de voyageurs et la fréquence des départs et arrivées bien sûr, mais également la taille et les situations épidémiques des différentes villes par exemple. De manière plus inattendue peut-être, la structure du réseau aérien et la position dans le réseau des villes atteintes par le virus sont également des points cruciaux.

Ainsi, tant que le virus restera cantonné à la périphérie du réseau (les noeuds faiblement connectés au réseau, comme les aéroports régionaux par exemple), la propagation du virus s’effectuera lentement. En revanche, une fois touchés, les hubs (c’est à dire les noeuds connectés à un grand nombre d’autres noeuds, comme les grands aéroports internationaux par exemple) vont accélérer considérablement la propagation du virus -et ce d’autant plus qu’ils occupent une position centrale dans le réseau-, lui permettant de franchir de grandes distances et au final d’atteindre l’ensemble des noeuds du réseau. Une fois lancée, la dynamique est impossible à arrêter, d’où la nécessité de fermer en priorité les hubs, mais également les itinéraires alternatifs, afin d’éviter des reports de trafic sur des liaisons secondaires.

La décision de couper les liaisons aériennes a un coût économique et politique considérable. Toutefois, si cette décision est prise dès le début de l’épidémie, en ciblant les aéroports les plus à même de favoriser la diffusion du virus à partir du premier foyer découvert et si elle est couplée à d’autres mesures, alors elle peut éventuellement jouer un certain rôle dans la maîtrise de la propagation du virus au sein d’une partie bien circonscrite du réseau aérien.

A l’échelle du réseau aérien mondial, bloquer la propagation d’une maladie aussi contagieuse que la COVID-19 aurait sans douté nécessité la mise en place de mesures beaucoup plus radicales : l’arrêt de la totalité des vols dès le début de l’épidémie. L’avenir nous dira si le jeu en valait la chandelle.

C’est aussi simple que ça.

Rappel : les modèles développés sur ce site sont des modèles pédagogiques, bien plus simples que les modèles construits et mis en oeuvre par d’autres équipes scientifiques travaillant sur la COVID-19. Ils ne se substituent pas à ces modèles de référence et ne peuvent pas être utilisés à leur place pour mener des expertises, diagnostics ou pronostics. Notre objectif est de contribuer à la création, au sein de la population, d’une meilleure connaissance des moteurs de cette épidémie qui nous concerne toutes et tous.