Dans certaines conditions, cela pourrait fonctionner effectivement, selon le principe simple “moins de contact avec des personnes contagieuses = moins de transmission du virus”. En pratique, rien ne garantit qu’une telle stratégie soit efficace dans toutes les situations.
Essayons de voir ce que cela donnerait effectivement dans notre simulation. Imaginons, pour commencer, que l’on soit capable d’identifier les personnes malades et par conséquent de les éviter (Simulation 3a : Courage, fuyons !).
Dans ce scénario idéal, la chaîne de transmission du virus est coupée et l’épidémie se limite à la seule personne initialement contaminée. Il ne serait toutefois guère prudent de tout miser sur cette simple règle d’évitement !
Imaginons par exemple une discothèque bondée dans laquelle surgiraient des personnes contagieuses. Voici à quoi cela pourrait ressembler rapidement (Simulation 3b : Des malades sur la piste de danse)
Bien entendu, si les personnes infectées y mettent du leur et décident d’elles-mêmes (ou avec un peu d’encouragement) de s’isoler, alors on devrait réussir à éviter ce genre de situation confuse. Néanmoins, cette stratégie a priori évidente et frappée au coin du bon sens n’est pas si efficace qu’on pourrait l’imaginer, pour deux raisons au moins.
Tout d’abord, tout le monde ne peut pas se tenir en permanence à distance des personnes malades. Il suffit de penser au personnel médical pour commencer, ou simplement aux familles des personnes dont l’état de santé ne justifie pas une hospitalisation par exemple. Dans ces deux cas, la protection est en général renforcée bien sûr, mais l’actualité a malheureusement montré qu’il pouvait y avoir des trous dans la raquette.
Ensuite, certaines personnes sont porteuses du virus et contagieuses sans le savoir. Un grand nombre d’inconnues subsistent encore à l’heure actuelle, mais plusieurs scénarios sont plausibles. Ces personnes peuvent ainsi être en période d’incubation, c’est à dire ne pas encore avoir commencé à développer les symptômes de la maladie et pourtant être déjà contagieuses. Elles peuvent également être des “porteurs sains” ou des “cas asymptomatiques” et ne présenter aucun symptôme, en raison d’une charge virale trop faible lors de la contagion ou alors parce que leurs défenses immunitaires sont bien développées. Elles peuvent également présenter une forme symptomatique atténuée et de ce fait passer sous le radar des identifications symptomatiques. Enfin, ces personnes peuvent également simplement ignorer leur situation, soit parce qu’elles sont peu ou mal informées, soit parce que le diagnostic médical a été incorrect.
Ce qui est important dans le cas de l’épidémie en cours, c’est qu’on estime qu’une proportion importante des personnes infectées seraient dans cette situation, même en France. Ceci est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Une bonne nouvelle dans la mesure où cela nous amène à relativiser la dangerosité de ce virus et où cela joue en notre faveur dans la création d’une immunité de groupe, absolument nécessaire. Une mauvaise nouvelle néanmoins si le pic épidémique est encore devant nous, car cela implique une propagation accélérée du virus : contrairement aux personnes infectées ayant connaissance de leur état, celles qui sont contaminées sans le savoir vont avoir tendance à prendre moins de précautions quant à leur protection et à celle de leur entourage. Les cas identifiés sont donc les arbres qui cachent la forêt.
Voyons concrètement ce que cela donne dans nos simulations. Imaginons que la moitié des personnes infectées sont non répertoriées (en bleu), pour l’une des nombreuses raisons évoquées à l’instant. Même si elles sont moins contagieuses que les personnes infectées identifiées (en rouge), on peut toutefois s’attendre à ce genre de résultat (Simulation 3c : L’arbre qui cache la forêt).
En dépit du fait que les personnes identifiées comme infectées sont ici isolées et sortie du jeu, le virus va continuer à se propager en raison de cette contamination invisible. L’apparition de nouveaux cas identifiés sera également plus difficile à comprendre et à anticiper puisqu’ils sembleront émerger de manière aléatoire, sans lien les uns avec les autres. Isoler les cas identifiés ne suffit donc pas, si cela ne s’accompagne pas de campagnes de dépistages permettant de mieux caractériser cette population invisible, a priori nombreuse et très active dans la propagation du virus.
C’est aussi simple que ça.
Rappel : les modèles développés sur ce site sont des modèles pédagogiques, bien plus simples que les modèles construits et mis en oeuvre par d’autres équipes scientifiques travaillant sur la COVID-19. Ils ne se substituent pas à ces modèles de référence et ne peuvent pas être utilisés à leur place pour mener des expertises, diagnostics ou pronostics. Notre objectif est de contribuer à la création, au sein de la population, d’une meilleure connaissance des moteurs de cette épidémie qui nous concerne toutes et tous.