Question 6.1 : Pourquoi le confinement, ça dure ?

Mais comment confiné et pour combien de temps ?

Texte : Etienne D. A. Banos / Simulation : Etienne D.,Romain R., Mathieu L. / Illustration : Etienne D.
le 30 Mars 2020 · 9 minutes de lecture

VERSION A JOUR DANS : https://docs.google.com/document/d/1Xp3jWCPWZu4pn0lphD1R1gTnqZNJiDtRNiwBREQ0Ggk/edit

Depuis que ça dure, nous avons tous compris, qu’en faisant en sorte que les individus ne se rencontrent plus nous pouvions collectivement réduire l’encombrement des urgences (et donc implicitement ne pas forcer le personnel soignant à trier ceux qui peuvent vivre)! La logique est imparable pour agir face à toutes ces incertitudes quant aux facteurs de contagions.

Le confinement est donc là aussi, d’un point de vue collectif, pour que la recherche puisse mieux dessiner les contours des questions autour de la transmission, et à plus long terme peut-être trouver des méthodes curatives. Nous confiner n’est donc pas une solution sur le longterme, mais nous permet de gagner du temps.

Pour faire face à ces incertitudes, le modèle peut nous aider à plusieurs niveaux :

  • La formalisation des hypothèses d’un point de vue informatique permet de les mettre en discussion
  • Le modèle peut être exploré de manière à envisager des effets de situation que nous refuserions ou ne pourrions pas imaginer dans le monde réel. Par exemple pour parler de confinement, “et si nous nous étions confinés, en janvier comment la situation aurait-elle évoluée ?”

En utilisant le modèle avec lequel vous avez joué dans la question 6, nous avons donc cherché à explorer un peu plus en profondeur son comportement en faisant varier les paramètres. Pour le dire autrement, nous vous avons remplacé par un automate, lequel a testé toutes les conditions qui permettent de gagner dans la simulation.

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Un point de méthode

Pour explorer les circonstances qui conduisent à des situations gagnantes, il faut donc se mettre d’accord sur ce que nous considérons comme telles.

Ici, nous avons considéré qu’il y avait 3 objectifs :

  • réduire autant que possible le nombre de personnes infectées en même temps pour ne pas charger les hôpitaux.
  • réduire autant que possible le nombre de jours de confinement, afin de limiter son impact sur la situation économique
  • conserver le plus de monde sain.

Fort de ces trois objectifs, nous avons mis le modèle avec lequel vous avez joué dans un logiciel en charge de l’automatisation des paramétrages : OpenMole, et notamment l’alogruthme PSE .

Explorer la diversité des résultats

Pour y voir un peu plus clair, nous avons commencé par chercher à définir les contours de la diversité des résultats que pouvait produire le modèle en tenant compte des 3 objectifs

On observe sur la figure plusieurs points intéressants :

  1. Les zones vides, sans point, sont des zones dans lesquelles le modèle n’arrive pas à générer de résultats en gardant les 3 objectifs que nous lui avons fixés.

    • Le modèle nous montre sans surprise que plus on confine longtemps (plus de 25 jours) et plus on arrive à maintenir “bas” le nombre de malades simultanés.
    • Les stratégies de confinement long conduisent à un nombre de personnes saines faible dans le cas où le confinement est mis en place tardivement, mais arrivent à conserver un nombre faible d’infectés simultanés.
  2. En nous intéressant à la partie en bas à droite du graphique, on voit que le modèle est capable de générer des résultats en minimisant les trois objectifs : maintenir un nombre de malades simultanés inférieur à 50%, un nombre de jours de confinement inférieur à 25, et un nombre de personnes non infectées supérieur à 50%.

Maintenant qu’on a identifié ces deux zones d’intérêt dans les résultats, on va chercher à comprendre quels sont les paramètres qui nous permettent d’atteindre ces deux différentes cibles.

Identifier les paramètres optimaux

En utilisant un autre algorythme (évolutionnaire), nous avons donc cherché à faire le chemin inverse, c’est-à-dire, à trouver tous les jeux de paramètres qui conduisent aux résultats qui nous intéressent.

Là une surprise, 7 jours de calcul plus tard (170 heures) une seule réponse !

  • début du confinement au bout de 5j
  • durée du confinement 15j
  • temps entre deux confinements 80j

Fort de ces paramètres, nous avons donc cherché à évaluer la stablité des résultats. Est-ce que c’est LA bonne réponse que vous deviez trouver en jouant avec le modèle ?

La place de l’aléatoire

Pour tester ce jeu de paramètre, nous avons lancé 100 fois la simulation et récupéré les résultats au court du temps. Ce qui nous a permis de produire la figure suivante.

On constate que pour chaque pas de temps du modèle, les résultats pour chacun des indicateurs peuvent varier grandement. Par exemple, le pourcentage d’agents infectés au bout de 18 jours peut varier de 30% à 60%. Cette variabilité est liée au déplacement aléatoire des agents dans la simulation avant une mesure de confinement.

On touche alors du doigt la complexité du phénomène. D’un côté, le confinement a pour effet d’accroître le nombre d’infectés dans les premiers jours (contagions à l’intérieur du foyer), et dans un second temps de réduire l’ampleur spatiale du phénomène.

Par ailleurs, la grande variabilité des résultats montre aussi qu’il est très difficile de contruire une stratégie face à autant d’aléatoire.

Enfin, la grande variabilité des résultats donne à réflechir l’intéret d’un confinement total. En effet, l’ampleur de la contamination est très fortement liée aux conditions initiales, et donc au nombre de personnes infectées avant le confinement total.

la je voudrais dire que la stratégie de confinement total est une mesure qui semble disproportionner au regard des résultats.

En bref quelques résultats

Pour revenir rapidement sur les résultats de cette exploration automatique du modèle.

  1. Au-delà de 25 jours de confinement, alors même que le temps de contagion dans le modèle est de 14 jours , on observe une baisse du nombre de contaminés simultanés (fig.1).
  2. Il existe des solutions dans ce modèle pour réduire la durée de l’épidémie, minimiser le nombre de jours de confinement et pourtant maximiser le nombre de personnes saines en fin de simulation.
  3. Ces solutions, dans le modèle, sont peu nombreuses à cause de la grande part d’aléatoire dans les interactions sociales.

Toujours les mêmes limites aux modèles

Ici, il est possible de confiner les gens chez eux sans qu’ils puissent sortir, pendant plus de 15 jours au besoin. Aucun ne contestera ou ne cherchera à enfreindre la règle.

Par ailleurs, notre petite communauté vit en autarcie et personne n’arrive de l’extérieur une fois le confinement terminé, ce qui peut donner l’impression à notre population saine, tout juste sortie du confinement, qu’elle est à l‘abri de toute reprise de l’épidémie.

Enfin, point important, notre population virtuelle est ici ridiculement petite, 200 personnes au total.

Aucune de ces hypothèses n’est viable !

Un modèle plus complet est capable d’explorer des scénarios alternatifs de confinement et de sortie de confinement est en cours de préparation. Restez connectés !

Rappel : les modèles développés sur ce site sont des modèles pédagogiques, bien plus simples que les modèles construits et mis en oeuvre par d’autres équipes scientifiques travaillant sur la COVID-19. Ils ne se substituent pas à ces modèles de référence et ne peuvent pas être utilisés à leur place pour mener des expertises, diagnostics ou pronostics. Notre objectif est de contribuer à la création, au sein de la population, d’une meilleure connaissance des moteurs de cette épidémie qui nous concerne toutes et tous.

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